Vers une vérité constructive

Quelle est votre origine ?

Je suis né et j’ai grandi dans la campagne fribourgeoise, en Glâne, au sein d’une famille ancrée dans le monde de la construction, plus précisément dans le gros oeuvre. Après un apprentissage de dessinateur en bâtiment et des études en architecture à Fribourg et un séjour d’échange à Münich, j’ai travaillé trois ans en Suisse centrale, notamment chez Daniele Marques à Luzern. Mon intérêt pour les matériaux bruts et la construction, vient probablement mon origine de campagnard, de ma proximité avec le chantier, où j’y ai passé beaucoup de temps durant ma jeunesse, et de mon respect pour les artisans locaux passionnés qui subliment ces matériaux.

Qu’est-ce qui compte pour vous dans la pensée et dans la conception ?

Ce qui compte pour moi dans la pensée et la conception, c’est de créer des espaces de qualité, où chaque détail est imaginé, dessiné et exécuté avec précision. J’accorde une grande importance à la vérité constructive, en privilégiant des matériaux simples, bruts et locaux, et en essayant de ne pas multiplier les couches ni de cacher les choses. Je souhaite que mon architecture puisse être compréhensible par tous, simple et sans tricherie. Cette recherche de simplicité permet de créer des lieux intemporels, ancrés dans leur contexte. Le contexte, le lieu et l’architecture vernaculaire influencent fortement nos projets, même si l’esthétique extérieure découle toujours en premier lieu d’une spatialité intérieure. En effet, tous nos projets sont réfléchis depuis l’intérieur : les ouvertures se trouvent à des emplacements stratégiques, car elles génèrent une vue particulière, ou jouissent d’un ensoleillement à un moment précis de la journée. Pour moi, la beauté d’un espace réside autant dans sa conception que dans la manière dont il dialogue avec son environnement. Mais une construction est avant tout au service de l’humain.

Et comment ces aspects s’expriment-ils concrètement dans le projet présenté ?

Ces aspects prennent pleinement forme dans le projet de la route des Alpes, situé au cœur du quartier historique du Bourg à Fribourg, où la molasse, pierre naturelle locale, fait partie intégrante du contexte. Notre intervention contemporaine s’ancre dans un profond respect du patrimoine et de la culture du bâti. Il s’agissait avant tout de réhabiliter la typologie d’origine du bâtiment, tant sur le plan vertical qu’horizontal, redonner du sens aux espaces et restaurer la continuité verticale qui avait été fortement altérée par les transformations successives. Pour rétablir cette typologie, l’escalier en pierre d’origine a été restauré pour reconnecter les étages, tandis qu’un nouvel escalier en béton apparent, a été créé pour accéder au toit-terrasse. Ce toit-terrasse qui était autrefois un simple espace pour étendre son linge, devient aujourd’hui une véritable pièce maîtresse du bâtiment. De plus de la richesse typologique du bâtiment, on distingue clairement ce qui est restauré de ce qui est neuf. En effet, les éléments neufs furent conçus avec une matérialité qui soit à la fois cohérente pour l’ensemble du projet, et en symbiose avec les éléments de caractère historique. Pour cela, des matériaux bruts furent choisis pour l’ensemble du projet. Ils intègrent une patine naturelle avec le temps, en référence aux constructions traditionnelles locales, dans une même recherche de vérité constructive. Notre travail d’architecte peut maintenant laisser place au temps, que les coulures et la patine puissent apparaître.