Le Foyer de Sécheron

Yves Dreier

Le processus de renouvellement et de densification urbain du quartier de Sécheron s'inscrit dans le développement de l'agglomération genevoise vers l’est et s’étend du quartier de la gare et celui des nations, où se situent les institutions internationales. Ce développement urbain touche aussi bien le tissu bâti que les infrastructures et se concrétise progressivement par l’extension du réseau des transports publics, la création d’un système d’approvisionnement énergétique pensé à l’échelle du quartier, la densification des liaisons piétonnières et la pérennisation des espaces verts et de détente existants.

L’ancienne friche industrielle de Sécheron, dont l’urbanisation date du milieu du XIXe siècle, a entamé une profonde mutation qui la transformera en quartier urbain aux affectations mixtes. Les multiples chantiers sur l’axe gare/nation et les nombreuses planifications encore en cours témoignent de la nouvelle attractivité de ce quartier qui accueillera de nouveaux immeubles de logements, des équipements urbains et scolaires de proximité, des bâtiments de bureaux, une zone dédiée aux activités artisanales, le siège administratif de Serono comprenant aussi des surfaces dévolues à l’industrie de pointe, des complexes réservés aux institutions internationales tel que l’Organisation Mondiale de Météorologie (OMM) et la Maison de la Paix.

L’ancienne parcelle de la Villa Blanc, dont la maison de maître a été détruite illégalement en 1996, joue un rôle prépondérant dans la mutation de ce morceau de ville. Le projet de densification de cette parcelle, qui se situe entre l’avenue de France, les voies CFF et l’avenue Blanc et se nomme aujourd’hui « Foyer de Sécheron », est issu d’une procédure de concours à deux degrés remportée par le bureau MPH architectes en 2004 avec leur projet « Parkenblock ».

Comme stipulé, le lauréat du concours a ensuite été mandaté pour la planification générale du quartier, soit la définition de la forme urbaine, ainsi que la répartition des volumes et des affectations. En complément, une charte architecturale a été développée fixant le gabarit de construction, le coloris des façades et l’utilisation des fenêtres à la française pour l’ensemble des bâtiments. La réalisation du parc et du parking souterrain, mais surtout la construction des deux immeubles de logements sociaux réalisés pour le compte de la Fondation du Logement Social de la Ville de Genève (FVGLS) a également été confiée au bureau MPH architectes.

Les autres bâtiments ont été répartis entre les concurrents ayant obtenus un prix lors du concours. Il s’agit d’un établissement médico-social en cours de planification au sein du bureau Luscher architectes, d’un bâtiment de logements en coopérative du bureau Seiler Architekten dont le chantier devrait débuter prochainement, et finalement d’une crèche et d’un espace de quartier comprenant une ludothèque et un restaurant scolaire actuellement en construction réalisé par le bureau BFIK.

L’ensemble architectural planifié par le bureau MPH architectes s’inscrit dans la géométrie du terrain et réinterprète le modèle de l’îlot urbain ouvert traditionnel, qui a été développé par le passé à Genève par des architectes de renom comme Maurice Braillard ou les Frères Honegger.

La fragmentation de l’îlot en cinq bâtiments disposés en périphérie de la parcelle délimite un square public arborisé auquel mènent cinq cheminements piétonniers se faufilant entre les volumes de gabarits différents selon leur orientation. Les angles biseautés des immeubles, qui s’ouvrent par leurs façades pignons vers l’intérieur de l’îlot, délimitent le parc dont les arbres principaux ont été conservés. Ces ouvertures coniques créent des évasements qui sculptent les perspectives et donnent une perméabilité différenciée aux vues latérales sur les quatre environnements urbains qui entoure le site. La construction des angles de la parcelle, la découpe précise des volumes côté rue et le retrait des attiques sur le parc accentuent encore la qualité du vide central et surexpriment le potentiel de cette forme urbaine qui joue sur les rapports d’échelle entre l’intérieur et l’extérieur de l’îlot.

Deux barres de logements sociaux

La construction des deux barres de logements sociaux situées dans l’angle nord-ouest de la parcelle représente la première phase de construction du Foyer de Sécheron. Leur orientation respective est/ouest et nord/sud, avec une face exposée aux nuisances de la route et des voies CFF et l’autre donnant sur le square, s’exprime par une typologique traversante identique.

Ce choix typologique impose une distribution des appartements, dont la taille varie de 2 à 6 pièces, par des paliers d’escaliers en «zweispender».

Comme les appartements, les entrées d’immeubles jouent sur l’organisation traversante des typologies et utilisent la pente naturelle du terrain pour offrir un accès de plain-pied aux niveaux donnant dans leur partie supérieure vers la rue et dans leur partie inférieure vers le square. La création d’une liaison intérieure entre les espaces d’entrée des immeubles aménage une interface de rencontre dans laquelle vienne prendre place une surface commerciale et des espaces communs, ainsi qu’un parking souterrain de 75 places, des locaux techniques et des caves afin de libérer un maximum de surface pour les logements aux étages.

La bipolarité de ce dispositif se matérialise aussi par l’orientation des espaces de jour vers le centre de l’îlot et la disposition d’une couche de chambres donnant sur la rue, respectivement sur les voie ferrée. La création d’une zone de distribution des pièces en lien avec le hall d’entrée minimise les surfaces dédiées uniquement à la circulation. La qualité de cet espace d’entrée généreux s’affirme par son prolongement sur un espace de jour communautaire, lumineux et multifonctionnel qui donne sur une vaste loggia, conçue comme une grande niche orientée sur le parc et munie de grands placards de rangement faisant aussi office de séparation entre les appartements. Le salon, la cuisine et le coin à manger prennent place dans cette spatialité ouverte et appropriable par zones. La chambre disposée dans le prolongement de l’espace de jour est munie d’une porte vitrée, qui s’affirme par son apport de lumière naturelle dans la profondeur du logement et renforce la perception de la typologie traversante. Les appartements situés dans les pignons sont organisés sur le même principe, tout en tirant partie de leur triple orientation.

Matérialisation colorée

La matérialisation intérieure se démarque par des aplats colorés. Les revêtements des sols en grès anthracite ou en parquet, les cadres de fenêtres et les armoires extérieures en bois naturel laqué, et les éléments en béton préfabriqué vert des façades ponctuent la spatialité unifiée et continue qui s’exprime par les murs intérieurs peints en blanc.

A l’extérieur, les façades sont rythmées par les percements structurels et la répétition des modules de fenêtres. L’empilement vertical des éléments préfabriqués en béton de couleur verte affirme l’horizontalité des têtes de dalle et marque les étages d’un bandeau horizontal de couleur grise, qui court sur les quatre faces du volume. Le choix d’une matrice de coffrage irrégulière renvoie par mimétisme aux éléments végétaux du square et donne par les jeux d’ombre et de lumière qu’elle occasionne un aspect textile et dématérialisé aux façades. L’expression simultanément résidentielle et urbaine des deux immeubles témoigne du retour de l’habitat dense et urbain et des qualité du vivre en ville.

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