La CoDHA en mode participatif

Yves Dreier

Le bâtiment du Pommier à Genève, réalisé pour la Coopérative de l’Habitat Associatif (CoDHA) par GM Architectes Associés suite à l’organisation d’un concours anonyme sur invitation, comporte 36 appartements, 1 salle commune de 80m2, 3 chambres communes individuelles avec lavabo de 15m2, 4 buanderies, 1 salle de musique et 1 surface d’activité.

Ce projet pose un nouveau regard sur la participation des futurs locataires dans les projets de logements en coopérative. Le processus participatif a permis d’une part de développer des typologies d’immeubles novatrices, d’autre part de créer un échange prolifique sur les qualités de l’habitat commun en cadre urbain et de tisser des liens sociaux intenses entre futurs habitants qui se réunissent régulièrement 2 à 3 ans avant d’emménager dans l’immeuble.

La participation ancrée dans une charte

La CoDHA applique un même mode de fonctionnement pour tous ces immeubles et dispose d’une charte qui est remise aux futurs locataires et aux architectes. S’ensuit la création d’une association des habitants, qui sert de base administrative et remplit les tâches de régie pour le compte de la CoDHA. L’association gère ensuite sa propre comptabilité, remédie aux éventuels conflits entre locataires, choisit les nouveaux coopérateurs lors de déménagements et organise la vie sociale de l’immeuble. Comme s’il s’agissait d’une régie, un contrat de gestion est signé entre l’association et la CoDHA. L’association dispose d’un budget annuel d’entretien, de fonctionnement et d’administration et décide de la manière de l’utiliser. Au Pommier, les charges de conciergerie ont par exemple été épargnées et la somme prévue à cet effet est utilisée pour l’organisation de manifestations et la poursuite de la participation.

Concernant le processus d’attribution des appartements, la CoDHA fait valoir l’ancienneté, et donc la fidélité de ses adhérents. Pour autant qu’ils soient intéressés par le projet, les membres les plus anciens sont donc les premiers servis. Le choix des futurs locataires s’effectue immédiatement après le concours, moment auquel environ 80% des appartements sont attribués. Le projet du concours sert de base aux premières discussions. La faculté d’adaptation et la malléabilité du projet lauréat sont ainsi testées dès les phases initiales de planification, et le processus de participation encourage les architectes à aboutir à des solutions non-conventionnelles.

Du côté des futurs locataires, une grande créativité dans l’appropriation est requise. La tolérance démocratique et une bonne dose de patience sont également des atouts. Les désistements sont fréquents, environ un tiers des participants abandonnant le projet avant d’y avoir habiter ; ceci pour cause de changement dans le cadre familial (divorce, naissance d’un enfants, prise d’autonomie des enfants adolescents), de départs dans une autre région, de manque d’envie après avoir pris la température de la vie en logement coopératif, ou finalement d’acquisition d’un autre logement.

Avec quel impact sur l’architecture

Dans le cas de l’immeuble du Pommier, la participation a eu une influence sur la Stimmung de la distribution interne, l’emplacement des espaces communs, les dégagements extérieurs et le choix des matériaux de finition. Au niveau architectural, la participation n’autorise cependant pas une augmentation du budget de construction. Ainsi les éléments cruciaux du projet – implantation, gabarits, système statique, principe de distribution, nombre et taille des appartements, expression des façades, principes typologiques – sont décidés unilatéralement par la CoDHA et ne font pas partie des éléments soumis à participation. L’architecte élabore ensuite une clé des choix possibles et illustre le cadre participatif de son projet. La pondération des priorités, nommée "fil rouge", est finalement discutée avec les futurs locataires dans le cadre de groupes de travail, puis avalisée en séance plénière. Finalement quelques choix individuels sont également possibles en ce qui concerne les matériaux de finitions, moyennant le paiement des extras par chaque locataire.

Au fil des discussions, une série de scenarii finit par se dessiner. Au Pommier, il a été possible de réduire le nombre de paliers de distribution et de densifier les accès aux appartements autour d’un escalier unique en créant quatre rues intérieures, sises tous les deux étages. Deux typologies de logements résultent de ce choix : l’une en simplex orientée sur l’angle et l’autre en duplex semi-traversant. A l’intérieur des appartements, la priorité a été donnée à la générosité des chambres, à la qualité des équipements (armoires encastrées, cuisines, escaliers des duplex) et aux revêtements de sol (parquet et carrelage). En contrepartie, des économies sont acceptées dans les finitions brutes des circulations communes (cage d’escalier et rues intérieures) et des espaces communs (salle commune, buanderies). Les espaces extérieurs privatisés sont remplacés par un balcon, sans cloisonnement, filant sur toute la longueur de la façade sud-ouest. Chaque rue intérieure est dotée d’une buanderie et d’une pièce polyvalente munie d’un lavabo. Cette dernière est utilisée soit pour accueillir un ami ou un parent pour quelques nuits, soit pour donner un espace de jeu ou de travail externe à l’appartement. Au sous-sol, une salle commune pourvue d’une cuisine semi-professionnelle propose des usages et des configurations diversifiées. Cette salle qui jouit d’un accès de plain-pied vers le jardin devient cantine durant les pauses de midi, lieu de projection de film en soirée, atelier de travail et de bricolage les jours de congé. L’abri anti-atomique devient quant à lui une salle de musique. Sur la cour, une surface d’activité offre une source de revenus pour le rendement financier de l’immeuble.

Pour l’architecte, le processus participatif durant la planification du projet permet de développer le fonctionnement social de l’immeuble et de jouer sur les sensibilités ayant trait à la vie communautaire et privée par la mixité des usagers. De plus, la participation lui donne la possibilité de façonner l’esprit de l’immeuble en amont de sa mise en fonction et de "désanonymiser" la construction de logements. Pour les futurs locataires, c’est l’occasion de tisser des liens privilégiés avec leurs futurs voisins par la réflexion autour d’un modèle communautaire conçu sur mesure.

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