Extension de l’école de Riaz, FR (2017-2020)

FAZ architectes (Véronique Favre et Tanya Zain), Genève

L’école au centre du village

Au début du 20ème siècle, une poignée de pédagogues prônait une réforme de l’enseignement plaçant l’enfant au centre du processus éducatif.1 L’idée touchait les cercles architecturaux au début des années 1930.2 Las, ce principe n’influence l’école publique suisse que depuis une vingtaine d’années, avec plus ou moins d’impact sur le paysage de l’architecture scolaire selon le degré d’urbanité des cantons concernés. Sur fond de Préalpes fribourgeoises, l’extension de l’école de Riaz a ce caractère réformateur, nourrit d’une réflexion sur l’identification de l’enfant à l’école, de l’ancrage dans un territoire réputé traditionnel mais en proie à une croissance rapide, et enrichit d’enjeux architecturaux contemporains. Véronique Favre et Tanya Zain traitent cette contribution de manière simple et inspirée par une réflexion globale sur l’atmosphère du lieu et la sensation de confort favorisant un apprentissage effectif mais aussi et surtout affectif. Portrait d’une école entendue comme un lieu de vie, remise au centre d’une localité de l’agglomération bulloise, à mi-chemin entre tissu villageois et territoire diffus.

Articulations du bâti et du non-bâti

Le concours remporté par FAZ architectes en 2017 prévoyait l’agrandissement d’un complexe scolaire construit dans les années 1960 sur une pente douce au centre de Riaz. La nouvelle école perpétue le parti originel de volumes agrégés de manière organique et se présente sous la forme de quatre bâtiments placés en tension les uns avec les autres. A l’est le volume existant abritant les classes enfantines est laissé as found. A l’arrière de la parcelle, le long volume construit sur l’empreinte de son prédécesseur accueille le réfectoire et le parascolaire ainsi que deux classes primaires supplémentaires. A l’ouest, le nouveau bâtiment accueillant les 4 salles de classes primaires est implanté à proximité de la route. Ce faisant, l’école affirme sa présence au centre du village et se rapproche physiquement du bâtiment de l’administration communale et de l’église. Un quatrième bâtiment, en apparence soustrait aux trois volumes principaux, se love dans l’interstice au centre du dispositif. Le bois des façades, de la structure et des planchers mixtes provient des forêts proches, propriétés de la commune. La volumétrie compacte et la toiture à deux pans du bâtiment principal cherchent à se distinguer de la grange par un ornement en pétale qui vient anoblir les planches d’épicéa pré-vieillies. Il accompagne les corniches des façades percées d’ouvertures verticales régulières. Autant de détails prêtant à l’école un caractère institutionnel. En contrebas de la parcelle, un parvis donnant sur la rue marque la présence de l’école au centre du village, contrastant avec une cour haute, second préau scolaire situé à l’arrière de l’ensemble scolaire. La complémentarité de ces articulations de volumétries et d’espaces extérieurs renforce la centralité bâtie et non-bâtie du village.

Expérience immersive

L’entrée de l’école se trouve dans le volume situé entre l’existant et le nouveau bâtiment, au cœur du dispositif. La construction en béton lavé apparent coulé sur place est compacte. Cette distanciation volumétrique et matérielle est le résultat d’un amalgame élaboré qui confère à la nouvelle école une présence vernaculaire, évoluant au fil du temps et des besoins. Une fois à l’intérieur, le corps se trouve happé par l’atmosphère de l’espace de distribution dont on devine désormais l’importance au cœur du projet. Erwin Straus (1891-1975) disait de l’espace qu’on le ressent avant de le percevoir. Lumière, espace et matières sont ici convoqués simultanément, procurant au visiteur la sensation envoûtante d’un espace chaleureux dont les plis accompagnent le mouvement des corps. Passés ces quelques millièmes de secondes d’activation du vivant corporel, la représentation consciente proprio sensu émerge des limbes de la sensation pour reconnaître le camaïeu de beiges qui nous enveloppe et s’apparente à un monochrome nuancé. La technique du monochrome, couramment utilisée au 18ème s., consistait à recouvrir les boiseries murales, les plafonds et les fenêtres d’un même enduit afin de créer une abstraction plastique générant une unité de l’environnement. Elle renforce ici la qualité d’un projet conçu en séquences spatiales.

Séquences spatiales

La composition non-orthogonale du plan produit des espaces biaisés. Parois et matériaux glissent d’un espace à l’autre, générant une progression séquencée, non linéaire, à la fois visuelle et physique. Des effets de compression, d’élargissement et de superpositions marquent des seuils atmosphériques à mesure que l’on progresse vers le cœur du bâtiment principal où les divers espaces primaires se répartissent sur trois niveaux autour d’un noyau vertical en béton, lui-même habillé de panneaux trois-plis. Le jeu spatial commencé au rez de chaussée inférieur, se poursuit au rez supérieur puis à l’étage auquel mène un escalier indépendant. Un vestibule spacieux dessert les espaces fermés à tous les niveaux. Les vastes salles de classe permettent la coexistence d’une zone de pupitres et d’une zone appropriable plus petite. Elles ont une orientation double, ouvrent sur le paysage préalpin alentour ou sur le village et jouissent toutes de la présence d’un mur de briques de terre crue Terrabloc non-porteur. Il est un parfait régulateur thermique et c’est sur lui que se posent les regards des enfants assis à leurs pupitres : une paroi en terre crue, la valse régulière des joints et des briques, du bois structurel apparent et voilà déjà le secret de la construction en briques révélé aux plus curieux d’entre-eux.

« Une ambiance à l’échelle enfantine »3

A l’école comme à la maison… Inspirés de la demeure familiale, les espaces de l’école doivent donner aux enfants un référentiel propice aux expériences pédagogiques. Les luminaires suspendus qui définissent une nouvelle hauteur d’espace plus à l’échelle des enfants, ou encore le dimensionnement des fenêtres assurent, à titre d’exemple, ce transfert sémantique. Il en va de même de nombreux détails vernaculaires que les architectes réinterprètent: Les couvre-joints rythmant les murs, ou la présence ponctuelle de surfaces d’affichage en bulletin board évoquant la tapisserie des cloisons en bois des fermes, en sont deux illustrations. L’attention portée aux dimensions et aux besoins des enfants s’incarnent dans l’arrondi des main-courantes et garde-corps qui accompagnent les va-et-vient des enfants, mais aussi dans les allèges des fenêtres qui sont à la fois assise, surface de travail ou d’exposition. Ce faisant, les grandes fenêtres verticales deviennent des lieux de transition entre intérieur et extérieur créant des zones de confort individuel ou à plusieurs. Adolphe Ferrière (1879-1960), un des pères de l’éducation nouvelle, affirmait qu’à plusieurs on apprend seul.

En choisissant d’utiliser des matériaux simples et naturels, d’exprimer l’art de construire, de donner de l’espace aux lieux partagés, Véronique Favre et Tanya Zain ont mis en place dans l’école de Riaz une atmosphère particulière, née d’une synthèse entre espace, lumière, bois et argile. Les émotions convoquées aideront au développement d’une conscience de l’espace, qualité essentielle pour la réception de l’architecture et la transmission d’une culture du bâti dès le plus jeune âge.

1 La diffusion de cette nouvelle pédagogie en Suisse romande est notamment initiée par le biais de la fondation en 1912 de l’Institut de pédagogie Jean-Jacques Rousseau par Edouard Claparède, auquel sont associés Adolphe Ferrière et Jean Piaget, deux figures de l’Education nouvelle.
2 « Der Neue Schulbau », exposition conçue par le Gewerbemuseum de Zürich prône que « L’enfant doit donner l’échelle de tout ce qui concerne l’école », s’installe à la Maison de verre à Genève en 1933.
3 G. Brera, « Tendances nouvelles des constructions scolaires », in L’ordre de professionnel, n°19, 28 mai 1955.

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